On parle beaucoup de la violence des patients dans les services psychiatriques mais on oublie de parler de la violence
de l'institution et aussi de celle du personnel soignant envers les patients.
         La violence surgit dès l'arrivée devant l'un de ces vieux hôpitaux, ceux qui sont entourés de hauts murs sur lesquels se dressent des débris de verre. C'est derrière ça qu'on soigne les fous, euh... pardon, les malades mentaux, ah... non, on les appelle les patients, mais il paraît qu'on les nomme maintenant les usagers, c'est derrière ça qu'on les soigne?          Puis, on entre dans le bâtiment du secteur, et là, c'est une violente odeur qui saisit à la gorge, une odeur de merde, ben oui... ça pue l'hôpital psychiatrique et on ne peut pas toujours ouvrir les fenêtres. Et puis, il y a le bruit, le bruit incessant des clés qui ouvrent et qui ferment les portes, ce bruit souvent accompagné "du oui ou du non, toi tu peux, toi tu ne peux pas sortir".          Ensuite, il y a l'accueil des infirmiers, fouille complète du sac si le patient en a un. Parfois, ils lui enlèvent tout, ses papiers, sa ceinture, ses vêtements, ses chaussures, et puis sa montre, et après, ils l'enferment à clé dans une chambre. Peu importe s'il est en hospitalisation libre ou pas.         
Il s'ensuit, parfois plusieurs jours après l'arrivée, un entretien avec le psychiatre et c'est la chasse ouverte aux symptômes.
Le psychiatre cherche, il cherche de la confusion, de l'angoisse, de l'insomnie, de l'ambivalence, du raisonnement, des ruminations,
de la contradiction, du mutisme, des idées de mort, de l'inhibition, de l'opposition, de l'agitation, de l'agressivité, de l'hystérie,
de l'absence, de la stupeur, des barrages, des paramimies, des hallucinations, de la persécution, de la dissociation, de l'étrangeté,
de la dépersonnalisation, de l'invraisemblable, de la décompensation... alors, psychose ou névrose?
         Et puis vient le traitement, le traitement chimique. Celui qui s'introduit de gré ou de force, celui qui contient, qui transforme et qui brise de l'intérieur, celui qui fait taire et qui enferme dans le silence. Le traitement, obligation d'ingestion ou injection de psychotropes qui provoquent des modifications impressionnantes des perceptions sensorielles, une désorientation dans le temps et l'espace, un blocage de la pensée, des troubles de la mémoire. Le traitement qui casse physiquement, psychologiquement, qui réduit à l'état de loque, à l'état de rien, qui anéantit jusqu'à obtenir un comportement acceptable, normal.         
Le groupe des infirmiers, les blouses blanches, essaie de communiquer avec les patients. Dans un tel environnement, ce n'est qu'une
relation inauthentique.
        
Dans le groupe des patients, il y a les mauvais et les bons.
         Quand tu subis ces violences à l'hôpital psychiatrique, tu as appris que tu dois te taire et surtout, tu ne peux plus jamais être comme avant, tu n'appartiens plus au monde des humains... © Patricia Lacombe - Août 2007 |